Au lieu d'une recette toute faite facile à imiter et à réaliser, la « préface » de Strindberg décrit à grands traits parfaitement clairs des objectifs structurels et thématiques. Peau d'âne Olaizola Ruth. Dans le cas de Julie, elle est victime, donc moins indulgente que les coupables, et même si son père a trouvé des raisons suffisantes à l'indulgence, sa fille se venge sur elle-même à cause de ce sens de l'honneur, inné ou acquis, dont les classes supérieures héritent on ne sait trop d'où : de la barbarie, de leurs origines, à partir de la chevalerie du Moyen Âge. Julie coupable ou innocente ? En outre, il a fait une découverte importante : nulle action n'est motivée par une seule cause et ne doit être examinée d'un seul point de vue. Les problèmes soulevés dans Mademoiselle Julie sont certes repoussants, mais ce sont tout simplement les résultants de son expérience vitale, de son idéalisme souillé par une amertume extrême. Seulement héritière, elle ne dispose pas de l'argent nécessaire pour fuir. Cet article concerne la pièce de théâtre. Comme Zola, comme Strindberg, comme Nietzsche, il constate que le théâtre européen est au plus mal et il donne pour vocation au Théâtre Libre d'être un théâtre littéraire public, ouvert à l'appréciation de tous. L'impact de Strindberg sur le flot continu de cette polémique doit être examiné et évalué à l’aune de sa « préface » mise en relation avec les diverses interprétations proposées par les critiques, anciens et modernes, de Mademoiselle Julie. Mais le fait est, selon Heller, que l’œuvre de Strindberg, malgré ses bonnes intentions, « n’a rien ajouté à ce qu’on avait déjà compris de l’homme[B 4] ». C'est ce qui fait dire à Jean-Pierre Sarrazac, observateur du Strindberg de Mademoiselle Julie que la dramaturgie « ne découle plus d’une Mademoiselle Julie est un film à la mise en scène originale mais qui ne plaira pas à tous le monde. Pour lui, Mademoiselle Julie contredit la « préface » de Strindberg, avec sa volonté de distanciation ou d’influence : « Dans sa remarquable préface, Strindberg donne les explications les plus élaborées de l'objet, de la destination et de la signification de sa tragédie, mais on ne trouve nulle part un atome de réalisation de son projet dans la pièce elle-même[C 4] ». C’est la préoccupation de Strindberg, voire une quasi obsession à son seul profit ce qui l’empêche, affirme Heller, d'atteindre son objectif. Strindberg ajoute que si le naturalisme a effacé la notion de péché, de faute contre Dieu, il ne peut pas effacer les conséquences d'un acte - la punition, la prison, ou la crainte d'y échouer - pour la simple raison que ces conséquences restent, que l'individu se croie quitte ou non. Un fait symptomatique : Isabelle Adjani, autre Julie célèbre, arrêta la pièce en 1983 à cause de ses relations avec l'acteur incarnant Jean... Une autre rébellion de « demi-femme[28] » ? Paradoxalement, Archibald Henderson s’appuie sur la même théorie d’une conscience personnelle et artistique comme gage de réussite littéraire plutôt que d’un éventuel échec. Les personnages de Strindberg sont donc tous animés par la volonté de se dominer les uns les autres. Selon Heller, il n'y a aucune différence entre Strindberg et son art. Strindberg se défend dans sa préface d'avoir voulu reconstituer la joie de la fête populaire. Mademoiselle Julie a d’abord été interdit ou censuré dans toute l’Europe de la fin du XIX siècle. Heller veut bien admettre que le théâtre de Strindberg a pu, dans une certaine mesure, « rendre de précieux services à son époque », mais comme « un cas typique de certaines maladies mentales et morales qui, en son temps, s'était propagé comme une épidémie au monde lettré dans sa quasi-totalité » ; à moins que son théâtre n'ait pu servir à l’étude d’un spécimen intéressant « le domaine inexploré de la psychologie analytique[B 3] ». Nous vous souhaitons de très joyeuses fêtes de fin d’années Remplie d’amour et de joie Julie… Au programme : Scarlett Johansson est "Lucy", l'affiche de la Palme d'or 2014 "Winter... Pour écrire un commentaire, identifiez-vous. Aujourd’hui encore, les différents points de vue alimentent un débat toujours aussi riche. Sprinchorn met en garde contre une interprétation qui privilégierait Strindberg aux dépens de son propre travail ; la pièce peut et doit être traitée comme une entité séparée et distincte. On pourrait aussi attribuer le fatigant clignotement des actrices aux mêmes raisons. La dernière modification de cette page a été faite le 22 février 2021 à 19:37. Mademoiselle Julie est l'histoire d'un affrontement entre un homme et une femme mais c'est aussi une lutte entre deux classes, les maîtres et les serviteurs. Pourtant Zola, bien qu'il admirât le théâtre de Strindberg, notamment son audace et son originalité, lui répond le 14 décembre 1887 par quelques réserves : « Pour être franc, des raccourcis d'analyse m'y gênent un peu. Elle choisit d'en faire une nouvelle adaptation cinématographique. Cette œuvre naturaliste de la fin du 19ème siècle repose sur plusieurs « expériences ou impressions du réel » de l’auteur. Un moment de liberté, ça se paie très cher ! Certains ont vu dans la pièce la preuve que pour Strindberg, sur qui l'influence de Friedrich Nietzsche s'est fait sentir, les espoirs qu'entretiennent les individus d'échapper à leur destin social sont une illusion[3]. De plus, les libertés fondamentales, à l’égal des grandes démocraties, sont désormais inscrites dans les textes législatifs. La demi-femme est un type qui fraie son chemin ; elle se vend maintenant contre du pouvoir, des décorations et des diplômes, comme elle se vendait autrefois contre de l'argent. En un mot, elle présente toutes les caractéristiques de la névrose. L'intrigue de la pièce peut finalement se résumer par les caractéristiques de cette nuit de la Saint-Jean : « hommage à la fécondité de la nature », « un moment propice pour chercher à connaître son avenir », à se trouver un époux, une nuit « placée sous le signe de l'amour », c'est-à-dire sous le signe de la vérité, « des vérités » qu'on a le droit de se dire « sous l'effet de l'alcool » et qui conduiront Julie, à peine séparée de son fiancé, au suicide. […] Ce qui blessera également les esprits simples, c’est que mon action ne découle pas d’un seul motif et que le point de vue n’est pas unique[I 19]. Le drame de Julie est, en quelque sorte, un drame nietzschéen. Pourtant August Strindberg partage en presque totalité le point de vue théorique de Zola sur le théâtre. Ceux qui accordent de l’importance à l'unité et à la fluidité ou qui refusent de voir les limites critiques des liens censés unir la préface de Strindberg à Mademoiselle Julie faussent d’emblée un débat rendu nuisible à leur recherche. Cette communion de pensée est surtout évidente dans Mademoiselle Julie, Créanciers (1888), Tschandala (1888), Paria (1889), ou Au bord de la mer (1890). He was married to Micheline Gautron. À la lecture des textes d'Agneta Lilja, maître de conférences en ethnologie au Centre d’enseignement supérieur de Södertörn de Stockholm sur l’histoire des fêtes et traditions suédoises, on comprend mieux le choix temporel de Strindberg. He was a composer, known for Platoon (1986), Twins (1988) and The Day of the Dolphin (1973). Törnqvist et Jacobs sont probablement historiquement responsables d’avoir mis la « préface » de Strindberg en marge de l’application littéraire et dramatique qu'elle prétend exprimer. Arthur Schopenhauer a dessiné au XIXe siècle la physionomie de l'homme moderne, un homme qui las de tout expliquer par la métaphysique essaie d'assumer sa condition selon la perspective qu'il s'est choisie : une vie intérieure régie secrètement par des pulsions irrationnelles qui l'isolent de ses semblables et de la nature, une sexualité dominatrice et triste, un refus systématique qui frise l'aveuglement lorsqu'il se juge innocent de son histoire personnelle comme de l'histoire collective, s'enracinant tout entier dans une inconscience fondamentale. Comme lorsque Julie dit : "Je fais parfois un rêve dont je me souviens tout à coup : je suis perchée en haut d'une colonne et je ne sais pas comment descendre ; en regardant en bas, j'ai le vertige, je dois descendre, mais je n'ai pas le courage de m'élancer ; je n'arrive pas à m'agripper, je voudrais tomber, mais je ne tombe pas[a 1]." Lorsqu'en cette même année, le Suédois envoie la traduction de Père, il se présente dans sa lettre d'accompagnement comme « chef du mouvement expérimental et naturaliste en Suède ». En fait, un « cinéaste très visuel » ne pouvait qu'être tenté par l'expérience, une expérience préparée, présentée par Strindberg lui-même dans sa « préface ». Po Tidholm, critique au quotidien Dagens Nyheter où il est auteur des textes principaux sur la célébration des fêtes suédoises donne cette explication qui éclaire le spectateur de Strindberg : « Selon les croyances populaires, la nuit de la Saint-Jean était une nuit magique, placée sous le signe de l’amour. Parce que nous ne pouvons pas donner un sens à sa vie, affirme Henderson, son drame reste insaisissable, voire inquiétant. Mademoiselle Julie est donc pensé par anticipation d’un « spectateur hypersensible[A 3] ». Strindberg fera couler beaucoup d’encre autour de l’énigmatique fin de Mademoiselle Julie. On peut légitimement en douter, car, sans aucun doute, le lecteur/spectateur est entraîné par l'auteur à se poser la question unilatérale de la culpabilité de Julie sans jamais être appelé à juger vraiment le comportement de son partenaire. « La parole, les voix ont un rôle aussi important que les visages, les regards, et les corps », affirme le cinéaste, réalisateur pour la télévision, après avoir posé un principe technique qui peut sembler secondaire : « Nous serons extrêmement attentifs à la lumière et notamment sur la manière dont nous pourrons l’adoucir pour les gros plans de Juliette Binoche. de Strindberg, Mademoiselle Julie, où la pauvre Nau, dans un rôle impossible, est fortement empoignée[10] ». Fait valoir l'importance du drame moderne scandinave, à la fois cette pièce et le théâtre d'Ibsen. Pour les deux philosophes, vivre seul est une prison dont il faut pour l'un s'évader, pour l'autre se divertir. Comme lui, il dénonce la morale bourgeoise hypocrite qui condamne le théâtre à représenter une morale différente de celle de la vie, au risque d'essuyer campagnes de calomnie et mauvaise presse critique. Célébrée pour l'excellence de son art cinématographique (et censurée dès sa première sortie aux États-Unis pour son contenu), le film de Sjöberg marque un tournant important du cinéma scandinave. Il est loisible de constater que si Julie est un personnage schopenhauérien, Jean n'a rien d'un pessimiste qui se bat contre une pulsion de mort à laquelle il semble parfaitement étranger du moins pour lui-même. Mademoiselle de Maupin, née Julie d'Aubigny, est une actrice et cantatrice française, née en 1670 ou 1673 [1] et morte en Provence en 1707.Sa vie tumultueuse a donné lieu à quantité de légendes et a inspiré plusieurs biographies romancées. En fait, l'existence n'a rien de mathématique : on ne peut la résumer par une chaîne où le gros mange le petit, car il est commun qu'une abeille tue un lion ou le rende fou. S’ils veulent établir avec certitude la place de Mademoiselle Julie dans la littérature, ils se croient contraints de se poser la question : « Qu'est-ce que Strindberg a voulu faire avec sa préface[E 3] ? La foi est une grâce particulière qui n'est pas donnée à n'importe qui, explique-t-elle à Julie, en ajoutant qu'il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer au royaume des cieux et que les derniers seront les premiers. C'est d'une lenteur ! L'ouvrage analyse aussi de nombreuses autres pièces et travaux en prose des années 1880. Coincée entre deux pôles, son père et sa mère, ses parents sont aussi en conflit en elle. Charles XIII mort d’un accident de cheval en 1810, Jean-Baptiste Bernadotte lui succède sous le nom de Charles XIV Jean qui, bien qu'ancien maréchal d'Empire, familier de Napoléon Ier, se sépare de la France après l’invasion de la Poméranie suédoise. conception aristotélicienne, d’un drame dans la vie, mais qu’elle se confond avec le drame de la vie[I 29] ». « On peut toujours découvrir dans la pièce les idées que Strindberg expose dans sa préface. Il ajoute que la Saint-Jean est à la fois une fête magique et religieuse. Pour elle, ce qui fait le malheur de Julie est d'être une femme qui n'a pas eu la place d'être une femme, ce qui explique ses contradictions, son absence de repères, ses dégoûts... Binoche avoue qu'elle aussi a eu du mal à se trouver telle qu'en elle-même. Elle force Jean a dansé de nouveau avec … En fait, l'idéalisme de Julie est une utopie. De fait, puisque Schopenhauer oppose intellect et volonté, il est logique qu'il accorde la primauté du vouloir-vivre sur l'intellect dans la sexualité ce qui implique que « les pensées nettement conscientes ne sont que la surface[27] ». C’est là ma croyance entêtée[G 12]. Son rang social est rien moins qu'assuré d'autant que la richesse, réelle, est écornée par un incendie que ne couvrent pas les assurances. Personnage multiple (Strindberg y a insisté dans sa préface), elle semble forte, voire cruelle quand elle manie la cravache, et pourtant très faible avec Jean passant de la sensiblerie à l'impulsivité puis à l'indécision. Strindberg conclut que Julie est « victime de la disharmonie que le “crime” d'une mère a introduit dans une famille ». Il fallut en passer, ajoute Zola, par le drame romantique dans lequel « en somme, la vérité, la réalité importait peu, déplaisait même aux novateurs[G 4] », même si, concède-t-il, « le drame romantique est un premier pas vers le drame naturaliste auquel nous marchons[G 5] ». La description de Julie dans la « préface » ressortit à un pseudo-scientisme qui cache des réalités autrement moins objectives : « Mademoiselle Julie [...] hait l'homme. Que Zola n'ait jamais considéré August Strindberg comme un naturaliste à part entière n'empêcha pas Antoine de l'accueillir dans son théâtre, lui qui déclara dans une conférence donnée à Buenos Aires : « Zola nous donnait des pages fécondes sur le naturalisme au théâtre [...] et je peux bien dire que je dois tout [aux naturalistes], je n'ai rien fait de bien, de propre, de courageux, d'utile, que je ne l'ai puisé chez ce grand éducateur[11]. La phrase qui suit montre à quel point Strindberg est en phase avec la tradition populaire dans Mademoiselle Julie. Henderson en fait une loi fondamentale, explicitée sans aucune ambiguïté : « Le but suprême de la grande littérature de notre temps a été et demeure l'expression d'une certaine forme d’aboutissement artistique, de la lutte du « moi » à la réalisation de soi[C 1]. Comme « le meilleur analyste subjectif des temps modernes » ou comme un parfait « journaliste de sa propre conscience », Strindberg et son art sont désespérément corrélés [C 2]. À moi ? On y créera entre autres Poil de Carotte de Jules Renard, l'adaptation de La Terre de Zola, celle de Boule de Suif de Guy de Maupassant. Pièce naturaliste, Mademoiselle Julie l'est assurément stricto sensu parce qu'elle est éminemment politique et engagée. En réalité, tout est affaire de sentiment. Le jugement de Nietzsche est encore plus sévère. Par définition, le réalisme donne à voir la vie réelle, sans fioritures ni retouches autant que le permet la transcription graphique. Mais le valet du comte est avant tout un personnage ambigu et violent.